Quand le quotidien s'emballe : préserver le couple au cœur de la parentalité
- luceheloir
- 29 juil.
- 3 min de lecture
Il y a un avant, et il y a un après. Non pas une cassure, mais une transition.
L’arrivée d’un enfant, ce n’est pas juste de la joie, des câlins et du lin froissé beige Instagram. C’est une nouvelle logistique de guerre. C’est du bruit, du manque de sommeil, du corps qui change, de la disponibilité mentale qui s’efface. Et dans tout ça : le couple, lui, il essaie de survivre.
Rien n’est plus tout à fait comme avant. Et ce serait une erreur de penser qu’il faudrait que tout redevienne "comme avant". Le couple se métamorphose. C’est une mutation, souvent silencieuse, faite de nuits hachées, de doutes, de nouveaux gestes, de frictions aussi. Ce qui disparaît parfois dans le tumulte, c’est la place, la disponibilité et le courage de dire ce qu’on ressent.
La fatigue n’est pas une excuse. C’est un fait.
Pas de “c’est normal”, ni de “ça va passer”. La fatigue, elle est là, massive, physique, chronique. Elle n'est pas uniquement psychologique, elle est physiologique : manque de sommeil, surcharge mentale, tension continue, sollicitations incessantes.
Fatigue physique, fatigue mentale, fatigue sensorielle.
Fatigue d’exister pour les autres sans plus trop exister pour soi.
-Parfois, juste aller faire pipi seul·e, c’est le sommet du luxe.-
La fatigue parentale, ce n’est pas une anecdote. C’est une donnée centrale. Elle transforme tout : la patience, l’écoute, la capacité à dialoguer, à prendre soin de soi, de l’autre. Vouloir préserver le lien amoureux sans tenir compte de la fatigue parentale, c’est comme tenter de jardiner dans une terre sèche.
Et pourtant, on continue d’aimer, d’espérer, de s’accrocher. Mais parfois, juste se parler devient une épreuve. On ne se comprend plus, ou plus bien. On s’épuise à vouloir "faire des efforts" là où il faudrait d’abord juste pouvoir dormir. Mais si on commence par s’écouter vraiment, par reconnaître à deux ce qu’on traverse, alors déjà… on respire mieux.
Partager la charge mentale : pas pour "aider", mais pour cohabiter autrement.
Tu veux savoir pourquoi l’un des deux craque ? Parce qu’il ou elle porte tout dans sa tête : les rendez-vous pédiatres, les tailles de bodys, les vaccins, les anniversaires, les stocks de couches, le linge, les comptes à jour, les menus sans allergènes, la fatigue de l’autre, les émotions des enfants, la tienne, les siennes…
Et quand une seule personne tient cette barre, elle finit par s’épuiser émotionnellement. Non, “aider” ne suffit pas. Il ne faut pas aider. Il faut habiter ensemble la même réalité. Penser à deux. Ressentir à deux.Sinon le déséquilibre, même silencieux, peut user le lien à petit feu.
Le partage de la charge mentale ne peut plus être une faveur ponctuelle. C’est une condition de la santé relationnelle. Et c’est aussi une question de reconnaissance : pas seulement de ce que je fais, mais de ce que je ressens.
Il n’y a pas de modèle idéal. Il n’y a que des couples qui s’ajustent.
Personne ne vous a menti. Juste, personne ne vous avait tout dit.
Non, ce n’est pas facile. Non, ce n’est pas “naturel”.
Et non, vous n’êtes pas les seuls à galérer. Le couple souffre souvent en silence, parce qu’il n’ose pas dire que c’est dur. Parce que dans cette société, il faut “gérer”.
Mais “gérer”, ce n’est pas vivre. Et aimer, ce n’est pas cocher des cases.
Il n’y a pas de modèle parfait. Juste des gens qui essayent, qui merdent, qui se pardonnent, qui réessaient. Un couple, c’est un chantier vivant. Parfois il y a du bazar, mais ça ne veut pas dire que les fondations sont mortes.
Le couple n’échoue pas parce qu’il change. Il souffre quand on ne prend plus le temps de penser ensemble le changement. Il n’y a pas de formule magique : il y a des discussions à avoir, des malentendus à éclaircir, des accords à redéfinir au fil du temps.
Et si prendre soin du couple, c’était aussi prendre soin de toute la famille ?
Prendre soin de son couple, c’est pas se faire un cadeau égoïste.
C’est une manière de protéger le climat émotionnel dans lequel l’enfant va grandir.
Pas pour offrir un modèle parfait — ça n’existe pas — mais pour montrer qu’on peut aimer, s’ajuster, s’écouter… même dans la tempête.
Parce qu’au fond, prendre soin de son lien, c’est prendre soin de la famille. Et prendre soin de sa santé, c’est se donner les moyens de vivre des moments plus doux avec ses enfants.
Sans culpabilité. Avec lucidité. Et un peu de tendresse.
Luce Heloir
Sexologue - Thérapeute de couple
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